Rapport annuel 2024 de MROS sur le blanchiment d'argent: hausse des soupçons, qualité préoccupante
Rapport annuel 2024 de MROS sur le blanchiment d'argent: hausse des soupçons, qualité préoccupante
En 2024, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) a reçu 15’141 communications de soupçons. Cela correspond à environ 59 communications par jour ouvré, soit une hausse de 27.5% en comparaison de l’exercice précédent. Depuis l'introduction de «goAML» en 2020, le nombre de communications de soupçons a presque triplé. Cependant, le MROS souligne que la qualité de ces déclarations ne s’est pas améliorée.
Constatations importantes tirées du rapport du MROS
- 72.5% des communications effectuées relevaient de l’obligation de communiquer (art. 9 LBA).
- 21.7% du droit de communiquer (art. 305ter, al. 2, CP).
- Dans 5.6% des cas, les négociations visant à établir une relation d'affaires ont été rompues en raison de soupçons fondés.
- Le plus souvent, la sureillance des transactions ou des indications externes déclenchent les soupçons.
- Dans près de 60% des communications de soupçons, la fraude est identifiée comme l'infraction préalable présumée.
- Le MROS a transmis 1'043 dénonciations aux autorités de poursuite pénale, soit une augmentation de 20.4% par rapport à l’année précédente.
- Les autorités pénales ont annoncé 82 ordonnances pénales au MROS et rendus 48 jugements ainsi que 262 ordonnances de non-entrée en matière ou décisions de classement en lien avec des dénonciations transmises par le MROS.
Le MROS constate que, malgré la hausse constante du nombre de communications de soupçons, celles-ci restent fréquemment insuffisamment approfondies ou trop superficielles, avec souvent une absence d’éléments démontrant les clarifications spécifiques prévues par l’art. 6 LBA.
Quelles sont les obligations de diligence des intermédiaires financiers?
Les obligations de diligence inscrites dans la LBA suivent une organisation en cascade et jouent un rôle central dans le système de communication. Elles se fondent sur les art. 3 à 5 LBA, à savoir la vérification de l’identité du cocontractant, l’identification de l’ayant droit économique et la répétition périodique de ces obligations. Les obligations de diligence particulières au sens de l’art. 6 LBA prévoient que les motifs et but d’une transaction ou d’une relation d’affaires doivent être examinés en fonction des risques. Les intermédiaires financiers doivent suivre et clarifier tout indice ou soupçon. Si ces clarifications n'aboutissent à aucun résultat ou si les soupçons ne peuvent être écartés, il faut adresser une communication de soupçons au MROS.
Qualité vs rapidité: quelles sont les attentes du MROS?
Conformément à l’article 9, al. 1, LBA, une communication de soupçons doit être soumise sans délai. Face à cette exigence, les intermédiaires financiers s’efforcent de transmettre une déclaration le plus rapidement possible, afin de répondre aux obligations réglementaires et de se prémunir contre une éventuelle responsabilité pénale.
Néanmoins, la qualité des déclarations et des clarifications associées est cruciale pour permettre au MROS de les traiter efficacement. Dans son rapport annuel, le MROS souligne que les intermédiaires financiers peuvent prendre le temps nécessaire pour effectuer des clarifications approfondies. Le MROS reconnaît que les intermédiaires financiers doivent disposer d’une certaine marge de manœuvre pour définir leur approche et la durée des clarifications. Il n’est donc pas possible d’imposer une durée standardisée pour effectuer ces clarifications. Chaque situation doit être analysée individuellement, en considérant les risques, le contexte spécifique et la complexité de la relation d’affaires.
Quel niveau de détail est requis pour la documentation interne et la communication de soupçons?
Les intermédiaires financiers sont tenus de consigner, dans une note interne, chaque décision concernant l’envoi ou non d’une communication. Cette note doit présenter de manière claire et compréhensible le déroulement chronologique des événements, les vérifications effectuées, les conclusions tirées, ainsi que les raisons justifiant l’envoi ou non d’une communication.
Une documentation interne précise et des vérifications approfondies sont essentielles pour garantir la qualité d'une communication de soupçons. Selon le MROS, il incombe aux intermédiaires financiers d’analyser la situation en détail afin de se former une opinion claire. La précision des communications de soupçons est aussi importante que la rigueur des vérifications. Cependant, le MROS reçoit encore de nombreuses communications dont les informations sont incomplètes et qu’il doit retourner aux intermédiaires financiers pour correction.
Conclusion: des signalements précis et de qualité sont essentiels pour lutter efficacement contre le blanchiment d'argent
Le rapport annuel du MROS met à nouveau en évidence une hausse significative du nombre de communications de soupçons. Cependant, ce rapport ne se limite pas aux chiffres, mais souligne également l'importance d'améliorer la qualité des communications. Pour que le MROS puisse les examiner de manière pertinente, les communications et les vérifications qui les accompagnent doivent être suffisamment claires et précises.
Les intermédiaires financiers doivent ainsi analyser les faits en détail et bien documenter leur décision de communiquer ou non des soupçons. Cela permet de soumettre des communications de bonne qualité, contenant toutes les informations nécessaires.